jeudi 28 mars 2024

Offrez-nous un café

Salam Toubib, chronique d’un médecin appelé en Algérie, 1959-1961 – chronique d’une chronique !

couverture de Salam Toubib de Dallanges et Védrines chez Delcourt
Titre:
Salam toubib, chronique d’un médecin appelé en Algérie,
1959-1961
Auteurs
: Claire Dallanges (scénario) Marc Védrines (dessin)
Éditeur :
Delcourt
Collection
: Mirages
Année :
2016
Pages
: 160

Résumé :

Avril
1984, Paris. Pauline prépare son bac. Elle doit descendre en
Touraine avec son père pour la fête familiale de Pâques. Guère
réjouie à l’idée de retrouver cet homme fermé et peu bavard, elle
se résigne à son sort et se prépare à un ennuyeux voyage en
train.
Un
événement inattendu va changer la donne de ce trajet. Pauline
retrouve son père à la gare, comme convenu mais la petite famille
se fait violemment agressée par un voyou armé d’un couteau. Le père
de Pauline, vif comme l’éclair, réussit à maitriser son
adversaire. Mais comment ce vieux chef de PME a-t-il réussi cet
exploit ? Pauline va creuser et forcer son père à sortir de son
éternel silence. Pendant ce long voyage en train, le vieil homme va
céder petit à petit et lui raconter son service militaire, en
Algérie, en 1959…

Mon
avis :

Une
histoire découpée en cinq actes qui nous raconte, au rythme des
arrêt du train, ce qu’a représenté la guerre d’Algérie pour ce
médecin parti volontairement sous les drapeaux.
Gilles
Tardieu est issu d’une famille aisée. Son choix va non seulement
heurter les siens mais aussi son entourage. Rien n’y fait, le jeune
homme ne démord pas et part faire ses trois jours. Et le voilà
enfin en route pour ce pays, avec la volonté de comprendre les
enjeux de ce que personne n’ose appeler « guerre ».
Nous
allons suivre Tardieu de poste en poste, de régiment en régiment,
de découvertes en déceptions.
J’ai
eu du mal à me retrouver dans le personnage du docteur Tardieu. Même
si l’on en comprend les raisons à la fin de l’histoire, la distance
et la réserve que dégage cet homme, plus ou moins marquées en
fonction des âges de sa vie, m’a éloigné de lui.
Pour
moi, l’émotion ne naît pas du personnage mais des situations qu’il
rencontre. Les situations que crée cette guerre.

Si
vous ne connaissez rien au conflit, vous en découvrirez les impacts
sur les appelés autant que sur les Algériens d’origine. Si vous
avez suivi parfois les débats sur cette guerre, vous n’apprendrez
guère plus que ce que votre curiosité vous aura fait découvrir
avant.

Pour
ma part, j’ai découvert des détails qui rappellent le contexte
historique et social. N’ayant pas de surprise avec les événements
et peu d’affinités avec le personnage central, j’ai effectivement lu
cette BD comme une chronique, comme le regard d’un témoin à la
limite, sur la ligne de frontière, puisque le docteur Tardieu soigne
autant les soldats Français que la population Algérienne.
Pauline
reste un personnage bien plus attachant, bien plus vivante par son
envie de mieux connaître son père, son envie d’en savoir plus sur
cette période. Créer un lien, voilà son objectif ! Y
parviendra-t-elle ? C’est la question qui trouvera réponse à la fin
de cet album, d’une manière inattendue.
Après,
la guerre d’Algérie reste une guerre, avec tout ce qu’elle a de
dégoûtant et d’horrible. Alors oui, on parle de la torture, des
embuscades, des assassinats, de la guerre et de l’incompréhension
qu’elle provoque. Oui, le pont est fait avec l’Indochine qui s’est
fini quand le FLN a lancé se premières attaques.

Oui,
le regard d’un médecin est original, mettant à jour un nouvel angle
de vue mais les thématiques restent similaires à ce qu’on a pu voir
au cinéma, ou lire avant.
C’est
un sujet difficile. Le plus important reste ce pont dressé entre
deux générations, une qui n’a connu que la paix et l’autre qui est
passée par trois conflits armés !
A
mes yeux, cette tentative de percer le mur est plus intéressante que
ce qu’il y a derrière le mur.
C’est
sans doute ce à quoi peuvent se confronter beaucoup de gens de notre
génération.
D’ailleurs,
pour écrire cet ouvrage, Claire Dallanges s’est inspiré de sa
propre expérience et des confessions qu’a accepté de lui faire son
père. Bien sûr, tous les noms ont été changés pour le respect de
tous.
Et
c’est cette humanité qui ressort plus dans le récit, le combat
d’une fille pour entrer dans le monde de son père, pour mieux le
comprendre, pour mieux l’aimer. Finalement, le docteur Tardieu va
découvrir qu’il peut recevoir de Pauline autant qu’il peut lui
donner.
page extraite de Salam Toubib de Dallanges et Védrines chez Delcourt
Marc
Védrines assure les dessins de cette chronique. Ses personnages
semi-réalistes savent se montrer expressifs et vivants. Les décors
sont dans la même veine. Réalistes dans leur trait, ils gardent une
partie allégés, où le trait se fait plus souple sur certains
détails pour insister sur d’autres, trouvant ainsi une harmonie
suffisante pour soutenir le récit du docteur Tardieu.
Les
couleurs oscillent entre les palettes bleues de la nuit qui entoure
le train du voyage et l’ocre de ce désert flamboyant où a vécu
Gilles Tardieu. Elles savent parfaitement rendre la chaleur
écrasante, les mois plus doux de cette Algérie en guerre.
Les
pages sont composées de une à cinq bandes de une à trois cases. Si
le premier chapitre garde une forme aérée avec ses pages de trois
bandes, en gros, les choses s’accélèrent dès le deuxième acte où
les pages de quatre, voire cinq bandes deviennent plus présentes. En
effet, on entre dans le vif du sujet historique et les événements
vont s’enchaîner, malgré parfois l’ennui qu’éprouve Tardieu dans
ces affectations isolées.
Le
cadrage passe aisément des plans larges, nous faisant découvrir ces
décors vastes et ensoleillés où Marc Védrines sait rendre
l’ampleur d’un espace magnifique, à des plans plus serrés sur les
personnages. Là, le dessinateur parvient à faire ressortir une
émotion au coin de l’oeil. Pourtant, son trait garde un style
particulier, qui donne cet air naïf aux personnages.
Salam
Toubib est émouvant pour son histoire humaine, celle d’une jeune
fille qui cherche à percer la carapace que s’est construite son
père. La BD est intéressante pour son regard historique sur la
période, le moyen de découvrir la guerre d’Algérie mais pour moi,
il manque un trait qui rend le docteur Tardieu attachant, même si
une révélation finale nous l’humanise beaucoup. Mais elle n’arrive
qu’à la fin…
Zéda
aurait aussi connu la guerre d’Algérie…
"MESSAGE IN A BOTTLE", strip de Zéda pour chronique 7BD sur Salam Toubib de Dallanges et Védrines chez Delcourt
David

Inscrivez vous à notre newsletter :


Fais découvrir cet article à tes amis
David
Davidhttp://www.davidneau.fr
Scénariste pour le jeu vidéo, le podcast et le cinéma, auteur-réalisateur de court-métrages animés, auteur dessinateur la BD numérique "Zéda, l'Odyssée du quotidien", enseignant à l'ICAN en BD numérique, et chroniqueur BD bien spûr. Sans oublier passionné de musique et de... BD ! Tout est dit.

Laisser un commentaire

Ces articles pourraient vous plaire

Restons connectés 😉

3,479FansLike
408FollowersSuivre
146FollowersSuivre

Derniers Articles