Voyage en République des Crabes
Tarmasz (scénario et dessin)
Delcourt
2018
: 112
travaille pour une société de livraison aux consignes drastiques,
pas plus d’une semaine pour livrer un colis, à remettre de surcroit
en mains propres. Elle aime bien les défis de son métier et les
voyages que cela lui permet de réaliser. Elle va être servie, car
sa société va l’envoyer en République des Crabes ! Une mystérieuse
île au large des côtes perpétuellement noyée dans un nuage gris
lourd en humidité. Une mystérieuse île qui ne tient pas
spécialement à voir débarquer des étrangers sur son sol. Bref,
une aventure riche en découverte, en émotions et aussi en choc
culturel pour Maya. Le colis arrivera-t-il à destination à temps ?
Mais est-ce là le plus important ?
avis :
de simple livreuse, se retrouve finalement exploratrice et redécouvre
les sensations qu’ont dû avoir ces héros du temps passé, des
époques où il restait tant et tant de civilisations à découvrir.
à l’image de ces glorieux prédécesseurs, elle consigne dans un
petit carnet ce qu’elle apprend de cette république dont le système
économique repose en grande partie sur… l’oignon d’eau !
En
effet, cette fameuse République imaginaire nous offre un mélange
entre administration labyrinthique à faire pâlir les douze travaux
d’Astérix, population à la limite du rejet pur et simple des
étrangers – si Maya n’est pas chassée, elle est tout simplement
ignorée des habitants -, et un climat dévastateur, avec une
humidité à vous faire marcher dans des nuages d’eau poisseuse
envahie de moustiques affamés.
la jeune Maya n’est pas au bout de ses peines, et la balade de santé
dérive vite à l’expédition cauchemardesque.
rythme de l’histoire est cassé régulièrement par des extraits du
carnet de Maya qui nous permet de découvrir qui sont les Escrabes –
C’est ainsi que l’on nomme les habitants de la République des Crabes
– et les mystères de leur île.
tension est bien là mais nous ne sommes pas dans le drame. Avec
cette société décalée, c’est plutôt du côté d’un certain
humour absurde qu’il faut lorgner.
Maya l’exploratrice, héroïne moderne, se retrouve propulsée dans
un monde bien loin des portables et des connectiques internet.
si elle s’englue dans l’impression de faire du surplace avec ces
bateaux qui n’avancent pas et ces démarches administratives qui
durent, durent, durent… nous suivons avec curiosité son périple,
espérant que le bout du chemin lui apporte une petite lumière.
lumière que le dessin de Tarmasz fait apparaître tout au long de
l’histoire, car nous sommes dans un noir et blanc teinté de nuances
de gris, et enveloppé d’un jaune ocre. Ce choix de couleurs ajoute
encore au côté ancien de cette République des Crabes.
ancien qui bascule vers les mondes de Gulliver ou les voyages de
Candide par les choix graphiques de l’auteur pour dessiner cette
peuplade. Maison tarabiscotées, formes larges d’épaules, costumes
étranges, flopées de drapeaux ou de fanions à droite à gauche,
bateaux de bric et de broc (tout comme les villages de cette étrange
république).
style qui fait fi de toute justesse de proportion. A mes yeux,
Tarmasz penche (avec talent) du côté de l’art naïf, avec ses
personnages stylisés, ses décors souvent dotés non pas d’une
absence de perspective mais bien d’une perspective faussée, étrange,
un choix de couleurs fort (ce jaune qui hante les pages et suinte
comme l’humidité de cette île), même si elles ne sont pas aussi
vives et éclatantes que chez les peintres naïfs. Bref, tout un tas
d’éléments dont certains relèvent de cet art si cher à Vivin ou
au Douanier Rousseau. Et en plus, ça fait sens dans l’histoire
alors…
vous avez saisi que j’ai énormément aimé le style graphique de
cette BD. Et Delcourt a offert un très bel écrin à Tarmasz, car ce
petit volume aux bords de page dorées, à la couverture lourde en
noir et jaune, ne peut qu’attirer l’œil.
histoire un peu folle, un peu exploratrice, cette héroïne partant à
l’aventure sans hésiter et surtout ce très beau style graphique
tellement spécifique font que cette BD plaira énormément à ceux
qui ont envie de lire quelque chose de différent des styles plus
académiques.
que voir quelque chose de différent, on oublie que, parfois, ça
fait du bien aux neurones et aux papilles oculaires…
rencontre Maya.