vendredi 19 avril 2024

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Square Eyes, la chronique pas très carrée

Square Eyes, une BD où l’on prend plaisir à se perdre

couverture de "SQUARE EYES" de Anna Mill et Luke Jone chez Delcourt

Titre : Square Eyes
Auteur : Anna Mill (scénario et dessins), Luke Jone (scénario)
Éditeur : Delcourt
Collection : Outsider
Année : 2020
Page : 256

Résumé d’un récit d’une femme qui se cherche:

Fin est perdue, elle a appelé un ami qui vient la dépanner. La jeune fille ne sait plus comment elle est arrivée là, mais elle ne peut plus se connecter. Elle a perdu contact avec ce virtuel qui semblait faire sa vie, à tel point qu’elle est au bord de la dépression. L’autre problème, c’est qu’elle a du mal à se rappeler ce qui l’a amenée là où elle est. En même temps qu’elle va tenter de se reconnecter à sa vie et surtout au réseau, elle va tenter aussi de retrouver la mémoire. Ce qui va s’avérer plus dangereux que prévu…  

Scénario de l’histoire perdue:

Fin est au cœur d’une ville, une ville que l’on peut percevoir par les yeux des gens connectés ou par le regard de Fin, qui ne parvient plus à retrouver cette vision. L’égarement mental de la jeune fille reflète ses deux pertes, sa connexion et sa mémoire. Les deux sont-elles liées ? L’idée ne lui traverse pas l’esprit. En même temps que Fin enquête, nous, simples lecteurs, découvrons ce monde où tout le monde est en permanence en ligne.
En ligne sans câble, sans ordinateur, juste avec la paume de sa main, qui fait surgir arborescence de navigation, publicités, messages et autres informations. De quoi devenir fou, en tout cas pour moi. L’enchevêtrement de la navigation est tellement bien rendu que j’en ai perdu pied. Et paradoxalement, cette vie que Fin veut retrouver à tout prix, moi, je voulais absolument l’éviter. Et pour le coup, Square Eyes n’est pas l’histoire d’une femme qui va réaliser que déconnectée, le monde est plus intéressant que connecté. Non non non ! Fin va comprendre, par contre, pourquoi elle a perdu sa mémoire et saisir ce qui se trame dans son dos.

La jeune femme, accompagné d’un ami fidèle, qui tente de ménager la chèvre (son travail) et le chou (Fin) mais qui va finir par tout faire pour l’aider et découvrir aussi l’envers de ce monde.
Anna Mill sait rendre cette histoire intrigante, envoutante, et déroutante. Il faut un temps pour saisir ce qui se passe, car souvent, notre vision est parfois double, triple, on voit le monde connecté et le monde réel sur la même planche. Mais en parcourant ces deux cent cinquante pages, on se demande rapidement de quoi il en retourne vraiment.

page de "SQUARE EYES" de Anna Mill et Luke Jone chez Delcourt

Le dessin halluciné:

Et le dessin de Anna Mill n’y est pas pour rien. Si le récit démarre de manière posée, en monochrome gris pour le prologue, il explose de couleurs dès le début de l’histoire. De même, ce prologue en gaufrier géant de cinq petites cases sur cinq vole en éclat dès la tentative de reconnexion de Fin, et d’autant plus après, quand le récit démarre.
Le graphisme nous happe littéralement, en même temps qu’il nous rejette, car nous ne sommes pas de ce monde hyperconnecté et nous le comprenons très vite. Mais ce choix de couleur ternes, mélangée en plusieurs couches, ces images superposées par effet de transparence mélangeant différentes visions, ces arborescences organiques complètement folles tournant dans la page, cette ville étrange, mélange de décors et de mégapole futuriste nous entraînent ailleurs.
Les personnages réalistes sont à l’aise dans ce monde qui nous dépasse. En même temps, pas tant que ça, Fin étant à l’écart par son absence de connexion. Et l’on se raccroche à elle, mais d’un certain côté, on comprend parfois les enjeux plus vite qu’elle. Mais son cerveau perturbé par des souvenirs étrangers peut expliquer ce décalage.
Le cadrage explore également les possibilités, la BD au format carré comporte des cases en gaufrier, ou complètement déstructurées, des double pages où les personnages avancent (littéralement) d’une case dans l’autre, à moins qu’il n’y ait pas de case. Les jeux graphiques sont vertigineux et contribuent au plaisir de lecture de Square Eyes.

Conclusion d’une BD renversante:  

Le dépaysement est garanti, l’intrigue est prétexte à naviguer dans ce monde hyperconnecté complètement f(l)ou, ou, au détour d’un toit, on revient sur notre bonne vieille terre, mais pour peu de temps, cette société en crise revenant de tous les côtés. Et on se rend compte que cette société n’est en fait qu’un reflet troublant et même effrayant de la nôtre.

Zéda est perdu dans le monde de Fin.

"SQUARE ICE", strip de Zéda pour illustrer chronique 7BD sur "SQUARE EYES" de Anna Mill et Luke Jone chez Delcourt

David

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David
Davidhttp://www.davidneau.fr
Scénariste pour le jeu vidéo, le podcast et le cinéma, auteur-réalisateur de court-métrages animés, auteur dessinateur la BD numérique "Zéda, l'Odyssée du quotidien", enseignant à l'ICAN en BD numérique, et chroniqueur BD bien spûr. Sans oublier passionné de musique et de... BD ! Tout est dit.

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