: Play with me
Nicoletta Ceccoli (dessins)
Soleil
: venusdea
2018
: 120
chapitres pour présenter certaines œuvres de Nicoletta Ceccoli.
Acryliques sur papier, les dessins, crayonnés et peintures sont à
différents formats, parfois un détail de l’un d’entre eux est mis
en avant. Ce livre réunit des travaux réalisés entre 2012 et 2017
en quatre chapitres : « Candyland », « Wild
Beauties », « Come play with me » et « Tales
From wonderland ». Une introduction de Heidi Leigh nous plonge
dans l’univers étrange de Nicoletta Ceccoli.
avis :
artbook, comme on dit maintenant, ne présente pas d’histoire au sens
strict. C’est au hasard des thèmes lancés par les chapitres que ses
œuvres sont classées. Mais des thématiques majeures se dégagent
de ces étranges tableaux. Je citerai, au hasard de mon ressenti,
l’enfance, les contes de fées, l’innocence et un étrange malaise
issu de la mise en scène et de certaines situations.
qui m’a le plus frappé dans les deux premiers chapitres, c’est une
forme d’absence d’expression dans les visages des fillettes (car ce
sont majoritairement de fillettes représentées) des tableaux. C’est
à partir du chapitre trois que la tristesse, la crainte se peignent
parfois dans les regards.
C’est
un des points troublants des dessins de Nicoletta Ceccoli. On n’est
jamais vraiment sûr de ce que ressentent les protagonistes de ces
tableaux. Malaise curieux, d’autant plus qu’ils sont mis en scène
dans des détournements de contes de fées. Alors que la magie et
l’innocence sont de mise, une situation, un point curieux, fait tout
chambouler. Parfois, c’est vraiment flagrant. Comme dans « Big
Bad Liar » où le jeu érotique rime avec la symbolique des
personnages de Pinocchio.
décors sont remplis d’un mélange de jouets à grande échelle, de
créatures étranges, ou d’un mix des deux. Comprenez des jouets aux
regards étranges.
couleurs douces renforcent ce contraste entre innocence et
perversion. Soit ces couleurs créent des fonds sans vie, soit elles
dépeignent des maisons, des forêts spacieuses et vides, des pans
de murs. Pas un mot n’est prononcé tout au long de ses pages et
c’est ce silence qui interroge notre perception de l’action. Silence
renforcé par l’absence de vie en-dehors des personnages du tableau.
Les forêts et maisons sonnent maladivement vides.
semble figée dans un instant suspendu, comme une photo aurait
immortalisé ces différents moments.
on se prend à laisser errer ses yeux sur la toile, se demandant
pourquoi cette abeille mécanique, pourquoi cette sucette géante et
multicolore plantée au loin.
que les personnages, les objets sont expressifs, l’inquiétude d’une
cerise, la joie béate d’un biscuit ou d’un cornet de glace sont
frappant par contraste avec ce que nous montre le dessin.
un monsieur pain d’épice, un sourire se mélange aux larmes alors
qu’il est dévoré par deux petites filles dans « Material
Girls ». Les titres, d’ailleurs, sont autant de sous-entendus
qui éclaircissent – ou obscurcissent en donnant un autre sens
encore – le dessin.
certains dessins se répondent, comme « My Favorite Costume »
et « The Uninvited » jonglant sur le conte du petit
Chaperon rouge.
un thème est exploité de manières différentes, comme dans « Still
Life » ou « Solitary », jouant sur la poupée
ressemblant étrangement à sa petite propriétaire.
le temps de parcourir ce livre, car les secrets des dessins ne se
livrent pas forcément au premier regard. Et inutile de vous dire
qu’une connaissance des conte de fées ayant bercé votre enfance
sera nécessaire pour trouver certaines clés.
côté de ce fond incommensurable de réflexions, je me dois de
préciser que les dessins sont d’une beauté à couper le souffle.
des pin-ups à l’érotisme survitaminé, les jeunes filles de Ceccoli
sont innocentes au premier abord, mais beaucoup moins qu’elles n’en
ont l’air. D’où ce malaise vague qui plane parfois.
artbook est une belle découverte. Un détournement audacieux et
astucieux des thèmes des contes de fées, qui nous rappellent, par
ailleurs, que ces récits pour enfants contiennent parfois des
passages pouvant donner naissance à des œuvres aussi tranquilles
d’apparence et remplies de tension par derrière.