Sommaire de l'article
La Part du Ghetto, une BD au regard documentaire sur la banlieue
Titre : La Part du Ghetto
Auteur : Corbeyran (scénario), Yann Dégruel (dessin), d’après le livre de Manon Quérouil-Bruneel et Malek Dehoune
Éditeur : Delcourt
Collection : Mirages
Année : 2020
Page : 136
Résumé d’un histoire grise:
Dans une banlieue, des jeunes qui s’ennuient et des histoires qui se racontent. Comme celle de Wesley, qui démarre avec un gars prompt à dégainer et finit avec un émigré clandestin, un lampédouz, comme on l’appelle. Suivent les mésaventures de Farid, Karima, Dawa, Norane, Elias, Tyan, Tino et Abdel.
Scénario d’un récit multiple:
Neuf récits de vie, des parcours au cœur de la banlieue. A croire ce qui nous est raconté, il n’y a pas de bonne façon de s’en sortir. Mais il y a plusieurs façons. Nous avons un aperçu au travers de ces tranches de vie des différents trafics – internet, prostitution, drogue – qui hantent la banlieue. L’argent semble ne pas être un problème. Il se trouve facilement, illégalement. Effectivement, cette image ancienne que le trafic quel qu’il soit rapportera toujours plus qu’un bon travail reste tenace, et vraie, mais les risques ne sont pas les mêmes, et ces témoignages le confirment.
Pourquoi se défoncer pour quelques trois mille euros mensuels alors que c’est si facile de se faire le triple en quelque coups. Cette BD dépeint un monde que beaucoup ignorent, et nous en découvrons les rouages, la prostitution vue des deux côtés, femme et homme. celle qui se vend et celui qui la vend. Le Go Fast pour un conducteur de talent, les jeunes caïds. Tout cela sonne avec un goût de déjà-vu mais pas que. On découvre le point de vue des habitants des banlieues, ce n’est plus lé désarroi devant ces portes qui se ferment, c’est juste le choix d’un mode de vie dangereux mais qui pour eux ne semble pas poser plus de problème que cela. Car le choix est limité. Le trafic fait partie de leur quotidien. Il n’y a pas de rêve de Scarface, ou d’ennui comme dans la Haine, il y a juste, chez ces neuf personnes, l’acceptation d’une situation – celle du trafic pour vivre – et le refus d’une autre – celle de vivre pauvrement dans ces tours -.
Certains essayent de s’en sortir par la porte légale mais déchantent vite, c’est tellement plus dur et le regard auquel il se confronte ne les valorise pas forcément non plus.
Mais ce recueil comporte quelques éléments auxquels l’on ne s’attend pas, Une autre partie demeure quand même dans une image que l’on a déjà, par les faits divers, les informations, le cinéma ou la littérature.
Pour moi, cette BD oscille entre un souffle nouveau sur certains points comme la religion et la prostitution, et une vision classique.
Notons que l’humour n’est pas absent de ces pages, au détour de quelques répliques ou de quelques idées astucieuses pour contourner la violence.
Corbeyran adapte le livre de Manon Quérouil-Bruneel et Malek Dehoune pour nous retranscrire en BD ces choix de vie entraînés par la facilité mais surtout par l’impossibilité d’y couper. Peut-on alors parler vraiment de « choix » ? La seule solution serait de partir de la banlieue. Mais c’est là que le cercle vicieux arrive, pour aller où ? La banlieue est le seul endroit où ces jeunes se sentent autant acceptés que rejetés. En effet, ailleurs, ils se voient juste rejetés.
Le dessin grisé:
Yann Dégruel adopte un dessin noir et blanc, nappé de gris.Il fait ainsi ressortir dans un style épuré l’essentiel de cet environnement. Et surtout, il laisse transparaître la froideur et la grisaille. Il n’y a quasiment pas d’espoir dans les dessins de Dégruel. Ces personnages peuvent même finir par se confondre, ce même destin, cette même banlieues, ces mêmes tours, et ces parcours tous différents, mais qui ont tellement de points communs.
Les pages de composition classiques laissent de grandes cases aérer cet univers qui fonctionne en vase clos. Le trafic pour s’en sortir, mais finalement, même parmi ceux qui s’en sortent, rares sont ceux qui quittent cette espace.
La Part du Ghetto fait œuvre de BD reportage, tant ce regard accru sur la banlieue et son côté sombre imprègnent les pages, tant les mésaventures de ces personnages résonnent à nos oreilles. Tant aussi elle permet de mieux comprendre certains rouages, certaines manières de pensée.
Conclusion d’une BD témoignages:
Cette BD propose un état des lieux au travers de ces neuf témoignages de la vie illégale. Un témoignage qui fait réfléchir et se demander quelles sont les solutions, dans quelles directions chercher pour changer les choses.
Zéda dans le ghetto.