vendredi 29 mars 2024

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Corto Maltese en Sibérie

Titre : Corto Maltese en Sibérie
Editeur : Casterman

Auteurs : Hugo PRATT

Année : 2000 (Edition couleur)




Résumé :

Corto Maltese est à Venise, non, à
Hong-Kong. Enfin qu’importe, il ira finalement en Russie au milieu de
cette guerre qui oppose Russes blancs, triades et généraux chinois. Que cherche-t-il ? De l’or. Pour lui
? Non, pour la société secrète des Lanternes Rouges. Mais ça
n’est pas ce que souhaite Raspoutine, l’ombre derrière le couteau
qui plane sur le Maltais. Cette histoire en comporte plusieurs de
couteaux, et surtout des seconds et des troisièmes.

Une magnifique aventure en train, dans
la nuit, sous la neige, où Corto Maltese va nous faire découvrir de
grandes figures historiques de ces années 1920-1921, mélangée
bien sûr avec quelques savants moments oniriques comme seul Hugo
Pratt sait les saisir.



Corto Maltese en Sibérie ne déroge
pas à la règle. Comme chaque aventure du marin, il s’agit d’abord d’un voyage. Un
voyage dans le temps, l’espace et les rêves. Ici, l’objectif du
personnage, récupérer l’or russe pour les Lanternes Rouges, n’est,
comme d’habitude, que prétexte à des aventures et des rencontres.

Corto parcourt la Russie autant réelle
qu’onirique.Il ne fait aucun doute que Pratt s’est encore une fois
précisément renseigné sur les personnages comme sur les
événements, les tenues et tout ce qui touche cette période de
l’histoire. Il arrive pourtant à mêler à cela une autre dimension,
celle du rêve.

Pour moi, celui-ci ne se situe pas seulement
dans les séances de shamanisme ou dans les divinations des tarots, il se
glisse aussi dans chaque rencontre, dans chacun de ses dialogues
truculents, originaux, où la discussion prend une tournure
inattendue. A titre d’exemple :

Corto Maltese s’est fait raté de peu
par un couteau qui se fiche au-dessus de sa tête ! Il coince
Raspoutine caché pas loin de là :

« – Raspoutine ! Viens boire un
verre et reprends ton couteau…

– Corto, ce n’est pas mon couteau !

– Comment, ce n’est pas ton couteau ?

– Ce couteau-là, c’est pas moi qui te
l’ai lancé ! 

[…]

– Qui a voulu me tuer avec l’autre
couteau ?»



J’adore.

Corto Maltese fait partie de ces BD où
l’aventure devient plus passionnante que le but. Pratt réussit à
garder l’attention de ses lecteurs alors que l’histoire digresse
totalement de sa direction originale. Et soudain, on ne sait pas quel
miracle, elle reprend ses rails. Bien sûr, comme dans toute
aventure, l’action est bien présente.



Le dessin de Pratt m’a toujours laissé
perplexe. J’y prends parfois un réel plaisir, avec cette alternance
de détail très fouillés et parfois de zones d’ombres relevant plus
de l’estampe et du symbolique. D’autres fois, sa patte me laisse
complètement froid et distant. Je ressens les poses comme figées, la
dynamique comme absente. Je trouve souvent que les personnages sont plus
flexibles et vivants dans des poses immobiles que dans des scènes
d’action où ils courent et sautent partout. Curieuse magie du
dessin.

La couleur a un rôle important. Les
Corto du début étaient en Noir et Blanc et cela créait une toute
autre ambiance. Mais il y a eu certains épisodes dont les originaux
étaient en couleurs. Dur de s’y retrouver. Les versions couleur me
plaisent beaucoup, même si cela doit m’éloigner des puristes de la
série, j’y trouve une ambiance où le noir et blanc fait encore acte
de présence. Les ombres, les fonds unis, les grandes balafres de
noir, tout est là pour rappeler cette unique nuance initiale.
Pourtant les couleurs rajoutent des ambiances de nuit, des teintes
étranges et font ressortir des détails. Personnellement, je n’ai pu
plonger dans Corto qu’avec l’arrivée de la couleur. Je suis très
client de ce style curieux que cela donne à la BD.

Corto qui déambule la nuit dans les
rues d’Hong-Kong reste pour moi un court instant de pure magie. Les ombres
chinoises relaient les dessins et les couleurs ajoutent, avec cette
teinte rouge, une part de mystère qui m’a toujours fasciné.

Les cadres de cet album restent très
classiques. Pas de bousculade: quatre bandes découpées en une à
quatre cases. La force du dessin repose plus sur les angles de vue
choisis par Pratt que sur son découpage en case. Regardez la mort de
Spasseton.



Ce dont je suis très friand dans
les dernières éditions couleurs, ce sont les cahiers
d’introduction. Des textes passionnants, des dessins magiques de Pratt, des recherches graphiques annotées. Vraiment, que du
bonheur ! Dans Corto en Sibérie, deux textes préfacent l’histoire:
d’abord l’histoire du vrai baron Von Ungern, puis un second sur Hugo
Pratt au travail. Deux textes magnifiquement illustrés de dessins. Le
cahier d’intro se finit sur une carte nous mettant en place les
différentes factions se battant dans l’Est de la Russie.



La Magie Corto s’est épanouie pour moi
une nouvelle fois quand j’ai découvert la sortie de Corto Maltese « La cour secrète des Arcanes », le dessin animé réalisé par Pascal Morelli,
adaptation de Corto en Sibérie. J’ai foncé
dans la salle et j’ai refait le voyage que m’avait offert la BD. Les
dessins sont bien différents de ceux de Pratt, mais les couleurs
étaient magnifiques. L’ambiance un peu évanescente flottait là et m’a eporté dans la poudreuse Sibérienne. Il m’a fallu un
temps d’adaptation pour les voix. Mais une fois ce cap passé, quelle
aventure 

Je vous recommande ce film, non pas en
vous vantant la fidélité des dessins à ceux originaux de Hugo
Pratt, mais pour cette atmosphère qui se rapproche au mieux de la
BD. Le pari était réussi. Ce jour-là, le terme magie du cinéma
a pris pour moi un autre sens. Un sens ressenti encore une fois lors
d’une nouvelle vision de cet anime à la télé.








Je ne sais pas s’il est un âge auquel
on est plus sensible aux histoires de Corto. Je vous recommande
d’essayer, quelque soit le nombre d’années qui s’affichent au
compteur de votre vie. Au pire, si vous perdez pied, si vous
n’entendez pas l’appel de l’aventure guider votre main, si vous ne
ressentez pas le souffle de cette brise étrange faire tourner la
page, alors posez l’album et passez à autre chose. Rien ne vous
empêchera plus d’essayer à nouveau d’ouvrir un recueil de Corto, plus
tard, ailleurs et d’écouter parler le vent…



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David
Davidhttp://www.davidneau.fr
Scénariste pour le jeu vidéo, le podcast et le cinéma, auteur-réalisateur de court-métrages animés, auteur dessinateur la BD numérique "Zéda, l'Odyssée du quotidien", enseignant à l'ICAN en BD numérique, et chroniqueur BD bien spûr. Sans oublier passionné de musique et de... BD ! Tout est dit.

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