du Clan Du Lierre
: T1 Le Marché des coccinelles
Louise Joor (scénario et dessin)
Delcourt
: Terres de Légendes
2016
: 56
part avec sa mère près du mur, lieu défendu aux membres de leur
clan. En fait, les deux femmes franchissent ce dernier pour arriver
dans la zone interdite. Pour Maélisse, appeleuse du clan du lierre,
cette mission est importante. Sa fille Neska doit devenir la nouvelle
appeleuse du clan et lui succéder, Maélisse doit donc lui
transmettre son savoir et pour cela, il va falloir se confronter aux
dangers du monde extérieur. Mais Maélisse est enlevée par une
créature géante répondant au nom d’Immense. Quand Neska retrouve
son village pour prévenir son père, personne ne la croit car pour
tous, les Immenses appartiennent à la légende.
faut dire que Neska et les autres membres du clan du lierre sont des
deux-pattes et qu’ils ne sont pas plus grand que… de petits
escargots.
vivent sans technologie, en accord avec la nature, trouvant leurs
ressources dans les escargots qu’ils tentent d’élever grâce à leur
appeleuse qui connaît le mystérieux mélange permettant d’appeler –
d’où son nom – les gastéropodes.
coup, la disparition de Maélisse avant qu’elle ait pu formé Neska
représente pour le village une véritable catastrophe, en plus de
l’inquiétude pour la jeune femme. Pas d’appeleuse, pas d’escargots,
pas de réserves pour l’hiver et donc mort du village à long terme !
Une seule solution, aller au marché des coccinelles pour trouver des
informations et même une solution. Mais même si Personne ne la
croit, Neska n’a pas l’intention d’abandonner sa mère et elle va
enquêter de son côté quand la jeune fille se découvre une
capacité surprenante…
avis :
départ, je craignais de me retrouver tout simplement dans un monde
renvoyant à « Arietty et les chapardeurs » ou aux
Lilliputiens de Gulliver, sans autre originalité. Mais au bout de
quelques pages, quand j’ai commencé à rentrer dans la vie de ces
deux-pattes, dans leur micro-univers, je me suis vite pris au récit.
est compréhensible que personne ne veuille croire Neska – c’est un
peu comme si vous rentriez au village en disant « ma mère a
disparu, elle a été enlevé par un géant des collines » – il
est étonnant que personne ne se décide à cuisiner la petite fille
pour savoir le fin mot de l’histoire, et surtout son père. Où même
le classique « emmène-moi où ça s’est passé, on pourra
trouver des indices sur votre agresseur ». Même
si ce lieu est appelé « la zone interdite » – sans
référence aucune à l’émission de M6 -.
Et
de toute façon, pour couper court, une ellipse temporelle nous amène
au moment où un autre problème prend le dessus sur la disparition
de la mère : l’incapacité du village à appeler de nouveaux
escargots. Ce souci devenant une urgence et mettant en jeu la survie
du village, il faut le régler rapidement. Passé ce petit souci
narratif donc, on entre vraiment dans ce monde et ces mystères. Car
si tout est normal aux yeux de Neska, pour nous chaque page apporte
une découverte : L’utilisation des escargots, le marché des
coccinelles, les plantes nécessaires pour le « mélange »,
le rapport aux insectes, etc etc… Et c’est un plaisir de suivre
Neska car si son parcours initiatique est moins surprenant, il prend
une autre ampleur dans cette société curieuse à la mythologie
étonnante.
personnage de Neska, ado un tantinet rebelle mais pour la bonne cause
– sauver sa mère -, son père, figure classique du chef de village
sévère mais juste, sa sœur Siloé qui ne croit pas plus Neska que
le reste du village, autant de personnages aux caractères légèrement
archétypaux mais dont les fonctions sociales apportent leur
originalité. La réussite de Louise Joor est de parvenir à donner
vie à ce monde, de lui donner une logique sociale, économique,
discrète mais présente, tout en nous en transmettant les codes
d’une manière fluide, et tout en nous en donnant aussi les légendes
et mythes sans qu’on ne soit jamais perdu.
magie opère dans ce conte écologique car dans le fond, c’est aussi
l’histoire d’un peuple qui vit en équilibre avec la nature, malgré
les tentatives de certains de rompre cet équilibre avec tout ce que
cela peut engendrer de dégâts.
magie opère donc, autant par le monde que par le dessin.
Joor prend elle-même les pinceaux pour illustrer cet univers dense.
Les personnages des deux-pattes sont similaires à des hommes
(nonobstant la taille, comme précisé plus haut) mais ils ont
certaines caractéristiques qui les différencient immédiatement.
Des sortes de cornettes sur la tête, ce simple détail nous plonge
tout de suite dans un autre monde. Et bien sûr, la magie des décors
et des insectes. L’omniprésence de la nature, les hautes herbes, les
plantes, les troncs d’arbre, les insectes et les autres animaux, on
sent la présence de ce monde et aussi tous les dangers qu’il peut
regorger quand on ne mesure quelques centimètres de haut. D’où le
besoin de se construire en groupe, en société pour augmenter ses
chances de survie.
tout n’est pas rose, restent les rivalités de clans, que l’on
reconnaît visuellement aux différentes tenues, aux différentes
fonctions et coutumes.
couleurs tournent autour des palettes ocres et vertes, on pouvait s’y
attendre, mais elles sont joliment utilisées pour rendre la vie des
différents lieux et espaces que parcourt Neska.
couleurs douces ne sont jamais agressives et nous renvoie au calme de
ce monde naturel, qui, pourtant, ne s’avère pas le plus pacifique
qui soit.
composition des planches repose sur trois à quatre bandes de une à
trois cases, voire quatre cases, deux cases pouvant se retrouver
l’une au-dessus de l’autre sur la même bande. Cette composition
donne son rythme à l’histoire, tout en nous laissant le temps de
nous immerger dans le monde de Neska.
pris plaisir à évoluer dans la société des deux-pattes et en
refermant ce premier opus, je me demande même comment vont se
résoudre les difficultés de Neska. Mais il va me falloir faire
preuve de patience en attendant le deuxième tome annoncé en
quatrième de couverture « Le Rituel de la Pluie ».
Plongez-vous dans Neska, et replongez-y, les décors sont tellement
riches qu’il y a forcément quelque chose qui vous aura échappé à
la première lecture !
du clan du lierre rencontre Zéda du clan des modernes !