vendredi 29 mars 2024

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L’observatrice 10 juillet 2005 : ébauche d’une démocratie de Damien Vidal et Emmanuel Hamon

L'observatrice 10 juillet 2005 : ébauche d'une démocratie aux éditions Rue de Sèvres

Titre : L’observatrice 10 juillet 2005 : ébauche d’une démocratie
Scénario : Emmanuel Hamon
Dessins : Damien Vidal
Editions : Rue de sèvres
Année : 2019
Nombre de pages : 114

Résumé de l’observatrice 10 juillet 2005 : ébauche d’une démocratie:

2005, Paris, Mathilde, jeune diplômée en droit international, peine à trouver un travail à hauteur de son cursus. En attendant elle enseigne le Russe car elle le parle couramment.
Son petit ami, qui n’est autre que son ancien professeur de Droit, doit partir au Kirghizistan pour être « observateur international » pour l’OSCE (Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe) afin d’attester du bon déroulement des premières élections présidentielles de ce pays. Il encourage ainsi Mathilde à se porter volontaire aussi, prétextant que cela lui ouvrirait probablement des portes pour sa carrière.
Elle finit par accepter et partir ainsi dans la ville de Naryn, tandis que son compagnon sera lui sur Bichkek la capitale.
Sur place, Mathilde est accueillie par le collègue avec qui elle va travailler, et par Nina, sa traductrice locale qui deviendra son amie. 
Le recensement commence et Mathilde comprends vite, en regard d’une anecdote à un tampon, que le système de vote démocratique est totalement étranger à la population.
Voulant prendre une petite pose, elle se fait renverser par un camion. Une petite blessure l’a conduit alors à l’hôpital de la ville, censé devenir prochainement également un bureau de vote.
Elle y rencontre alors le médecin Azamat dirigeant l’hôpital. Celui-ci s’avèrera être aussi un ami de Nina et ex-petit amie de la fille de Nina. Mathilde constate la vétusté des moyens de l’hôpital, et fait face aussi à un refus catégorique de Azamat pour faire de l’hôpital un bureau de vote également….

Mon avis sur l’observatrice 10 juillet 2005 : ébauche d’une démocratie  :

Voilà une petite BD fort intéressante mais qui malheureusement est passée trop inaperçue.
Cette histoire nous éveille sur la difficulté de changer un régime politique pour une indépendance. En effet c’est en 1991, à la fin de l’ex URSS, que le Kirghizistan déclare son indépendance.
La BD focalise sur l’élection présidentielle de 2005 qui a abouti à la présidence « Bakiev ».

L'observatrice 10 juillet 2005 : ébauche d'une démocratie Page 16 aux éditions Rue de Sèvres
Page 16 de la BD

Le scénario d’Emmanuel Hamon :

Emmanuel Hamon aime bien aborder les sujets politiques dans ces œuvres.
Il nous livre ici une tranche de vie d’un pays en pleine reconstruction politique avec toutes ses qualités et ses défauts.
Via les yeux de la jeune et encore naïve héroïne qu’est Mathilde, il nous décrit donc succinctement à la fois les missions de l’OSCE, mais aussi les ressentis populaires, les tréfonds des manipulations politiques et le trafic d’influence.

Ainsi la protagoniste va évoluer rapidement, d’espoirs en désillusions, de futilité à action, et se remettre en question quant à son parcours, ses diplômes, ses objectifs de vie et son utilité.
Elle se rend vite compte que sa présence d’observatrice est quasi-inutile face à la corruption ambiante, que la population n’est pas dupe vis à vis des évènements mais se sent finalement impuissante.
A travers ses épisodes et visites de l’hôpital de la ville, elle en mesure l’ampleur de la gangrène et s’explique ainsi la résignation des Kirghizes.
Emmanuel Hamon nous crie aussi probablement son désespoir de ces situations hélas trop commune encore de nos jours (y compris chez nous), et développe ainsi une évolution psychologique rapide très affectante et touchante de Mathilde au travers ce récit.
Notre héroïne, face à ces constats de pauvre ruralité du pays et des manques de moyens des institutions, brave son interdit d’observatrice pour finalement agir en jouant de ses relations, prenant ainsi un risque énorme pour le Kirghizistan et pour elle.
Elle agit en son âme et conscience croyant bien faire, mais elle finit par s’apercevoir que son manque d’expérience l’a finalement dépassé.
On a peur pour elle…
L'observatrice 10 juillet 2005 : ébauche d'une démocratie Page 18 aux éditions Rue de Sèvres
Page 18 de la BD

Le scénariste, également réalisateur et acteur de cinéma, dénonce ainsi habilement les mascarades de ces hommes d’importance, la corruption généralisée et les manipulations de masse tout en y opposant un idéalisme altéré et parfois à la limite de la condescendance, à travers les représentants de l’OSCE.
Ce scénario est donc, selon mon opinion, du grand art dans ce registre.
Tout parait transparent et relativement simple au premier abord, mais s’avère finalement beaucoup plus complexe que prévu.

Le dessin de Damien Vidal :

Damien Vidal nous reviens après ces deux extraordinaires ouvrages avec Laurent Galandon : Lip et le contrepied de Foé.
Cette fois ci c’est donc avec Emmanuel Hamon qu’il fait équipe pour nous raconter une autre tranche de vie mais plutôt politique cette fois ci.
Le dessin réaliste de Damien Vidal est appréciable et fort bien adapté à ce genre de récit. Son trait est fluide, simple et efficace. 
Les détails semble sporadique et n’apparaissent que s’ils semblent nécessaires (exemple : décoration d’intérieur parisien, ou architecture particulière par exemple…). 

Les arrière-plans sont donc purgés et réduit à leur plus simple appareil. Ils sont brillamment représentatifs de la pauvreté du pays et de la population. A noter tout de même que les vignettes de paysage Kirghize sont magnifiques et font penser à un sublime carnet de voyage, comme Mathilde aurai pu le faire. Les couleurs sont gaies et vivantes mais loin d’être criarde. 
J’adore par exemple les couleurs du passage en boite de nuit, c’est un style que ce dessinateur devrait à mon sens, beaucoup plus exploité. 
Je regrette tout de même un petit point. Si je devais comparer avec les autres œuvres de Damien Vidal (le contrepied de Foé par exemple), je trouve que les personnages manquent un peu de relief et de caractère. Les expressions se devinent mais se confondent aussi parfois un peu, à la manière d’un Jiro Taniguchi où les visages paraissent neutres, stoïques et impassibles, la plupart du temps. 
Mai cela ne reste que mon opinion…
L'observatrice 10 juillet 2005 : ébauche d'une démocratie Page 17 aux éditions Rue de Sèvres
Page 17 de la BD
Les effets sont peu nombreux mais bien placés et apportent du mouvement au dessin (Les effets de poussière et ce léger flou des roues de camion par exemple…)

Au final, j’aime beaucoup le coup de crayon de Damien Vidal

En bref, l’observatrice est au final une oeuvre très engagées dénonçant nombre de malversations encore trop communes de nos jours et plus ou moins visibles. Le récit se passe au Kirghizistan, mais notre pays n’est pas en reste non plus avec sa classe politique.

C’est donc bel et bien une oeuvre osée et critique si l’on y réfléchi bien.

Ciao
Yann

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Yanndallex
Yanndallex
Je suis évidemment un passionné de BD depuis ma jeunesse. Un malheureux accident de vélo ma valu quelques jours d’hospitalisation. Ainsi ma famille, pour me faire passer le temps à l’hopital, m’offrit des exemplaires de la série des Tuniques Bleues. Cette série a été une révélation ! J’étais émerveillé de pouvoir lire des histoires humoristiques liées à des évènements dramatiques (la guerre de sécession, le racisme etc…). Je me régalais à suivre les aventures de mon personnage favori le caporal Blutch. Puis vint la pleine adolescence pour découvrir des séries plus sérieuses, ou toujours humoristiques, d’héroïque fantasy, SF ou policières (XIII, Thorgal, la quête de l’oiseau du temps, le grand pouvoir du Chninkel etc…). J’y ai découvert ainsi des styles graphiques plus travaillés, détaillés, réalistes, poétiques etc… une deuxième révélation pour m’ouvrir progressivement à la bd adulte. A ce jour j’aborde chaque nouvel ouvrage comme une surprise, une promesse d’une belle histoire, que l’on aime, ou que l’on n’aime pas. J’ai pris conscience au cours des années qu’une histoire illustrée de 48 pages, ou plus, n’était pas si facile à créer de manière scénaristique mais surtout graphiquement. Le talent n’est pas inné, et à chaque vignette, je contemple d’autant les années de travails des auteurs. J’admire les techniques graphiques (que je ne soupçonne parfois pas du tout), les choix de couleurs ou du noir et blanc, le travail sur les mises en lumière, la conception des mises en scène, le choix des plans, des effets, des perspectives, le découpage élaboré, les transitions des plans séquences etc… Bref mon œil s’est avisé, mais je n’en reste pas moins admiratif du travail réalisé et des sacrifices réalisés par chaque artiste pour offrir du plaisir à son lectorat, et cela même si l’histoire ne m’a pas forcément plu. J’aime aussi souvent à chercher d’où a pu venir l’idée de l’histoire, très souvent inspirée de fait divers, ou de l’histoire avec un grand H. Je suis aussi toujours émerveillé par la diversité des sujets traités par ce média. Cette disparité permet des livres souvent très intimes avec des témoignages poignants et durs, mais aussi de s’enrichir culturellement, s’ouvrir à des expériences inattendues, parfois loufoques et hilarantes, etc… Et elle nous promet encore de grande œuvres !!

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