samedi 20 avril 2024

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Mort au Tsar tome 1 – Le Gouverneur – de F.Nury et T.Robin

Mort au Tsar Tome 1 Dargaud

Série : Mort au Tsar
Tome : 1 –  Le Gouverneur
Scénario : Fabien Nury

Dessins : Thierry Robin
Couleurs : Claire Champion 
Editions : Dargaud
Année : 2014
Nombre de pages : 54

Résumé :

Moscou, 17 septembre 1904.

Le gouverneur russe Serguei Alexandrovitch, au balcon de son palais, bien désemparé devant un peuple révolté par la misère, lâche (malencontreusement ou volontairement) son mouchoir.
Ce signe est interprété par les troupes militaires comme l’autorisation de réprimander les populations contestataires… Bilan : 47 victimes dont femmes et enfants…
Le gouverneur s’empresse donc d’une visite à l’hôpital de fortune pour « consoler » les habitants mais en vain…
Quelques temps plus tard, le grand-duc échappe à un attentat…
La plèbe s’organise et commence à lutter contre le régime en place, et Sergeï le sait, sa fin est proche…

Mon avis :

Fabien Nury et Thierry Robin nous livrent ce superbe diptyque, après leur excellent « La mort de Staline ». A croire que la mort les obsède….
Ah ba ça tombe bien car c’est le sujet de nos 7BD du mois…
Cet œuvre, en deux volumes, aborde donc le pan de cette histoire russe sous deux angles différents :
–    Dans le tome 1, nous avons la vision très aristocratique du gouverneur qui, au fil du récit, se résigne peu à peu à la fatalité…
–    Dans le tome 2, nous avons la vision populaire au travers de ce révolté inconnu prêt à tout pour renverser l’institution autocratique en place.
Mais je n’aborderai, ici que la première vision.

Mort au Tsar Tome 1 page 5 Dargaud
Page 5 de Mort au Tsar T1

Le dessin :

Le style semi-réaliste et dynamique de Thierry Robin, et son trait plutôt saillant, effilé, fin et détaillé se prête superbement aux émotions et à la psychologie.
Les détails des dessins sont sensationnels, ajoutés aux nombreux effets de perspectives plongée/contre plongée, et toute la grandeur de la Russie nous apparait ainsi sous le trait de ce talentueux dessinateur.
Et, à contrario, les scènes en huit clos, et des gros plans aux plans américains, accentuent le mal être et ce sentiment tragique que le destin deviné du protagoniste est au bout du récit…
Les couleurs froides, jouant somptueusement sur les ombres et les tons ternes, annoncent irrémédiablement l’aboutissement. Même les fugaces moments de couleur chaude ne soulagent pas le funeste et prédictible dénouement.
Les ambiances sont ainsi admirablement posées, réalistes et très évocatrices !
Le coté historique du récit le rend d’autant plus passionnant à la retranscription graphique des splendeurs soviétiques, des costumes à l’architecture, etc…
Les mises en scènes sont dignes de grand film comme cette introduction devant la foule du gouverneur à son balcon suivi du plus tragique des gestes sur cette double page.
Un vrai régal graphique et scénaristique.

Mort au Tsar Tome 1 page 9 Dargaud
Page 9 de Mort au Tsar T1

Le scénario :

Tout est presque dans le non-dit mais avec cette inéluctable évidence d’assassinat.
Fabien Nury livre ainsi un chef d’œuvre de description psychologique ! Son anti-héros a pleine conscience de sa fin proche et passe ainsi par toute les phases psychologiques face à la mort ou au deuil : choc, déni, colère, peur, tristesse, résignation, acceptation, et finalement presque sérénité…
Le drame connu d’avance en devient presque insoutenable et la lecture de ce récit nous apporte presque les mêmes émotions que le grand-duc car nous prenons finalement beaucoup d’affection pour cet homme dépassé par les évènements, complètement torturé d’être à ce niveau de responsabilité, mais aussi par son âme humainement humble l’amenant à se poser beaucoup de question existentielles.
Il est aussi fortement tiraillé entre ce qu’attends son neveu le Tsar, et la révolte populaire tirant sur une violence. A cela s’ajoute le fait qu’il ne se sent guère soutenu par sa famille.
Bref il figure finalement hélas comme un simple pantin, une victime impérieuse et inexorable totalement démunie face à la situation, se dirigeant bien malgré lui à une fin certaine à court terme.
La mort est omniprésente dans cette histoire dès la révolte initiale (fusillade) jusqu’au dénouement final en passant par des attentats mais aussi par des positions, voire complots, politiques, et un profil psychologique tourmenté et supplicié.

Ce livre n’est donc pas à aborder à la légère, loin de l’humour connu au travers de « la mort de Staline », celui-ci vous remuera certainement les tripes.
Cette introspection dramatique est simplement une splendeur scénaristique et visuelle.

Ciao
Yann

Et en prime un petit portrait de Fabien Nury dans « Un Monde de Bulle » :


 
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Yanndallex
Yanndallex
Je suis évidemment un passionné de BD depuis ma jeunesse. Un malheureux accident de vélo ma valu quelques jours d’hospitalisation. Ainsi ma famille, pour me faire passer le temps à l’hopital, m’offrit des exemplaires de la série des Tuniques Bleues. Cette série a été une révélation ! J’étais émerveillé de pouvoir lire des histoires humoristiques liées à des évènements dramatiques (la guerre de sécession, le racisme etc…). Je me régalais à suivre les aventures de mon personnage favori le caporal Blutch. Puis vint la pleine adolescence pour découvrir des séries plus sérieuses, ou toujours humoristiques, d’héroïque fantasy, SF ou policières (XIII, Thorgal, la quête de l’oiseau du temps, le grand pouvoir du Chninkel etc…). J’y ai découvert ainsi des styles graphiques plus travaillés, détaillés, réalistes, poétiques etc… une deuxième révélation pour m’ouvrir progressivement à la bd adulte. A ce jour j’aborde chaque nouvel ouvrage comme une surprise, une promesse d’une belle histoire, que l’on aime, ou que l’on n’aime pas. J’ai pris conscience au cours des années qu’une histoire illustrée de 48 pages, ou plus, n’était pas si facile à créer de manière scénaristique mais surtout graphiquement. Le talent n’est pas inné, et à chaque vignette, je contemple d’autant les années de travails des auteurs. J’admire les techniques graphiques (que je ne soupçonne parfois pas du tout), les choix de couleurs ou du noir et blanc, le travail sur les mises en lumière, la conception des mises en scène, le choix des plans, des effets, des perspectives, le découpage élaboré, les transitions des plans séquences etc… Bref mon œil s’est avisé, mais je n’en reste pas moins admiratif du travail réalisé et des sacrifices réalisés par chaque artiste pour offrir du plaisir à son lectorat, et cela même si l’histoire ne m’a pas forcément plu. J’aime aussi souvent à chercher d’où a pu venir l’idée de l’histoire, très souvent inspirée de fait divers, ou de l’histoire avec un grand H. Je suis aussi toujours émerveillé par la diversité des sujets traités par ce média. Cette disparité permet des livres souvent très intimes avec des témoignages poignants et durs, mais aussi de s’enrichir culturellement, s’ouvrir à des expériences inattendues, parfois loufoques et hilarantes, etc… Et elle nous promet encore de grande œuvres !!

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