vendredi 19 avril 2024

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Blueberry T1: Fort Navajo

Blueberry T1 Fort Navajo
Titre : Blueberry T1 Fort Navajo
Editeur : Dargaud
Auteurs : Charlier et Giraud
Année : 1993 (Attention, l’illustration ne correspond pas à la couverture de mon édition de 1993)
Résumé :
La guerre de Sécession s’est achevée par la victoire du Nord. Le lieutenant Graig est affecté à Fort Navajo au cœur de l’Ouest désertique. En chemin, il rencontre un joueur cynique, tricheur de surcroît. Graig découvre après coup que cet homme est en fait un lieutenant de l’armée du Nord affecté au même fort que lui, Mike T. Blueberry. Graig est tiraillé entre la sympathie qu’il ressent pour cet homme loyal au grand cœur et la colère pour ce rustre qui ne respecte aucune règle. Le duo se rend néanmoins presque ensemble à Fort Navajo.
En cours de route, ils croisent une ferme brûlée, une famille massacrée. Ils apprennent qu’un enfant a été kidnappé. La piste est fraîche et des indices laissent à penser qu’il s’agit d’une troupe d’apaches. Graig ne pense qu’à sauver l’enfant et fonce, embarquant malgré lui Blueberry dans son périple.
Mais au-delà de cet enlèvement se pose une lourde question, pourquoi les Apaches auraient rompu le traité de Paix qu’ils ont signé avec le président ? Blueberry et Graig ne sont pas au bout de leurs surprises…
Mon avis :
Fort Navajo est la première apparition du Lieutenant Blueberry. Un héros dont les aventures vont se continuer jusqu’à la mort de Giraud, son dessinateur.
Blueberry est un solitaire généreux. Il pose les fondements de l’anti-héros. En effet, Graig représente le chevalier courageux et loyal, honnête et droit, qui pourchasse l’injustice. Ce personnage permet de faire ressortir en quoi Blueberry est différent de ce modèle héroïque. Il possède le grand cœur et le courage mais il ne respecte aucune des règles de la Chevalerie qui anime Graig.

Cynique, tricheur, réaliste, Blueberry est affecté à Fort Navajo pour faire oublier ses frasques passées. La narration nous présente d’abord Graig mais le premier gros plan de l’histoire est offert à Blueberry ! Les fondements sont posés.
Une fois les présentations faites, Charlier nous amène dans le vif du sujet, l’attaque de la ferme et l’enlèvement du fils Stanton. Au-delà de la rivalité entre les deux hommes, le récit s’élargit à l’ouest sauvage et il ne va cesser de s’agrandir jusqu’à couvrir l’ensemble des territoires indiens.
Le scénario nous plonge dans ce récit haletant où l’action commence et ne s’arrête pour ainsi dire jamais. A peine une pause est accordée à nos héros, qu’un nouveau problème surgit.
Malgré ces quarante-huit pages, Fort Navajo regorge de rebondissements qui nous plonge dans l’ouest. Le tome se coupe plus qu’il ne se finit. En effet, pas de « A suivre » ou de « Suite au Prochain Episode ». Une case, une phrase et hop, c’est coupé.
Cela est-il dû à la parution périodique de la série avant sa mise en album ? En effet, Fort Navajo est le lancement d’une grande histoire qui va durer… cinq tomes !
Je dois avouer que je me suis retrouvé un peu sur ma fin en refermant ce premier volume. J’ai ensuite pensé que ce serait une aventure en deux tomes, pourquoi pas après tout ! Mais j’ai vite déchanté.
Alors si vous voulez connaître la fin de cette première aventure de Blueberry, préparez-vous à lire Fort Navajo mais également « Tonnerre à l’Ouest », « L’aigle solitaire », « Le cavalier Perdu » et « La Piste des Navajos » !
Rassurez-vous, à partir de Tonnerre à l’Ouest, des fins d’épisode vous permettront de souffler à la fin de chaque tome.
Certains événements sont un peu datés et apparaissent aujourd’hui parachutés, comme la morsure de serpent qui met à terre le général dirigeant Fort Navajo. Pour peu que vous aimiez, comme moi, le grand Ouest et les westerns, vous vous plairez quand même à cette longue et passionnante histoire.
C’est aussi l’occasion de redécouvrir les bases du mythe Blueberry. Et de faire un peu d’histoire. Car effectivement, il y eut vraiment une « Affaire Bascom » qui provoqua les guerres apaches qui déchirèrent les Etats-Unis pendant vingt-cinq ans. Sans nul doute Charlier s’inspira de cet événement pour forger sa fiction. A part quelques situations, la ressemblance s’arrête là. Certains noms changent, d’autres pas. Certains situations sont légèrement modifiées, d’autres pas. Charlier ne se veut pas historien, mais conteur. Et il nous conte une belle histoire, certes basée sur des faits réels, mais en rien compte-rendu précis et historique du début des guerres apaches.
Accompagnant Jean-Michel Charlier au scénario, Jean Giraud prend la plume pour le dessin. Avant de devenir Moebius, l’artiste s’illustre et illustre pour nous ce western fleuve.
J’ai trouvé que ce premier tome marque plus une recherche graphique qu’un aboutissement.
Les dessins sont très réalistes, voire même très denses. Les visages ont du mal à se trouver. Pour moi, la tête de Blueberry change beaucoup d’une page à l’autre, et on ne retrouve pas encore la « gueule » de cet anti-héros. Il en va de même pour les autres personnages, comme Bascom ou encore Crowe. Seul Graig reste semblable à lui-même. Du coup, je ressens parfois un peu de confusion à la lecture.
Les couleurs ne sont pas celles initialement prévues. Mon tome est en effet une réédition de 1993, dont les couleurs ont été réalisées par Claudine Blanc-Dumont. N’ayant pas le repère de l’édition initiale de 1965, je ne peux comparer. La coloration nouvelle ne me choque pas, et on retrouve le ciel bleu de l’ouest sauvage, la terre sableuse du désert et le roc de la montagne. Il est certaines cases, à mes yeux, où je différencie difficilement le métis des visages-pâles. A l’image des visages qui se cherchent, je trouve que les teintes des têtes peuvent varier aussi d’une case à l’autre.
Le dessin reste dynamique. Admirez donc les chevaux au galop, tournant bride, soulevant des nuages de poussières et regardez l’action naître sous vos yeux.
J’ai l’impression que les visages ont parfois du mal à exprimer les sentiments. Cela m’apparaît dans des scènes comme la rencontre entre Dikson et Blueberry, où les variations d’expression sur le visage du général sont assez durs à voir.
Le cadrage est assez classique. Bon, on est quand même dans les années soixante, hein ! Mais Giraud s’autorise des dessins sur des quart de pages pour donner de l’ampleur à certaines scènes. Comme celle où les Apaches abattent le Cheval de Graig ou encore l’évasion de Cochise.
Les angles de vue sont eux assez classiques. De plus, il reste toujours quelques détails qui attirent l’œil du minutieux, comme le couteau de Cochise qui change de main, ou le fameux Derringer de Bascom qui ne contient qu’une balle, mais tire… Deux fois !
Quel sacrifice ne ferait-on pas pour une touche d’action supplémentaire. En tout cas, on prend plaisir à la patte de Giraud, mais surtout à son évolution. Car le dessin de « Gir » ne va cesser de s’affiner au fur et à mesure des aventures de Blueberry.
 
Pour moi, Blueberry se pose comme un des premiers anti-héros en BD. Je pense même qu’il en jette les bases. Aujourd’hui, cet archétype du anti-héros étant aussi bien ancré que celui du héros, nos auteurs actuels sont obligés de pousser plus loin le curseur de l’anti-héros pour faire original. Mais si le curseur va trop loin, l’anti-héros ne sera-t-il pas qu’un méchant de plus ? Comment éloigner son protagoniste de l’image d’Epinal du Héros tout en lui gardant a sympathie du lecteur ? Un vaste débat où les réponses pleuvent dans les bacs et sur les écrans.
En attendant, découvrez ou redécouvrez Blueberry, ce cow-boy pas comme les autres, cet anti-héros avant l’heure. Fort Navajo vous propose un voyage dans le temps, à une époque charnière de l’histoire des Etats-Unis, où colts et flèches font la loi, et où cavaler dans le désert n’est pas une vaine expression.
 
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David
Davidhttp://www.davidneau.fr
Scénariste pour le jeu vidéo, le podcast et le cinéma, auteur-réalisateur de court-métrages animés, auteur dessinateur la BD numérique "Zéda, l'Odyssée du quotidien", enseignant à l'ICAN en BD numérique, et chroniqueur BD bien spûr. Sans oublier passionné de musique et de... BD ! Tout est dit.

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