vendredi 19 avril 2024

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Le festival BD6Né, une autre approche de l’art.

Je vous avais parlé dans une précédente chronique de la soirée d’ouverture du festival BD6Né, mélangeant allègrement BD et Ciné pour le plaisir des grands et aussi des petits.

Et bien ce dimanche six avril, alors que le soleil tapait sur la capitale, je me suis rendu dans la commune de Saint-Ouen au studio Commune Image , un lieu de rencontres et d’échanges où le Festival a posé ses valises pour son dernier jour.
En effet, c’est aujourd’hui que se clôt cette palpitante aventure, mais avec un beau panel d’activités !

studio Commune image
L’imposante entrée du Studio Commune Image, regroupant salle de projection, nombreuses entreprises de l’audiovisuel et studio de tournage, bien sûr !

A peine arrivée sur les lieux je profite de l’exposition Nat Mikles, qui détourne avec un plaisir non dissimulé les affiches de films classiques. Cinéphile et Bdphile y trouvent leur bonheur. Un véritable régal pour les yeux et les zygomatiques qui couvre les murs du studio.

Nat Mikles
Quelques unes des affiches « Blockbusters » de Nat Mickles

A peine le temps de me remettre de ce premier choc que la conférence sur les magazines et la BD numérique dont je pensais avoir raté le début est annoncée. Et oui, un retard du fait que nous sommes dimanche mais soyons honnête, tout cela m’arrange bien ! Je me glisse à petit pas dans la salle de projection et écoute les joyeux intervenants.
Tout d’abord Léa et Julien présentent la Revue Aaarg!, nouveau venu sur le marché des magazines. Ce bimestriel en couleurs comporte 160 pages, fait intervenir vingt à trente auteurs, et ce pour la modique somme de quinze euros. Le magazine tire à huit mille exemplaires, et, point important, il est distribué par le réseau du livre et non de la presse. Vous pourrez donc le trouver en librairies et non en kiosques !
Les sujets traités : Toute la culture populaire ciné, art graphiques, littérature et bien sûr BD. Aaarg! publie en majorité des one-shots ou alors des histoires à suivre sur quatre ou cinq tomes. Le magazine a été fondé par Pierrick Starsky qui se bat à plein temps depuis deux ans et demi pour réunir les fonds nécessaires à la production ! Et pour l’avoir tenu entre mes petites mains, je vous garantis que c’est vraiment un bel objet.
magazine aaarg
 Julien, Léa et Rurik prêt à répondre à toutes les questions !
Puis, sur le fauteuil voisin, se tient Rurik, représentant de Metaluna, magazine couleur parlant de cinéma, de métal, de BD underground, de porno, de tout, tant que ça reste dans l’esprit Métalunien. Cet esprit, quel est-il ? Faire en sorte que le magazine qu’on tient entre les mains ne ressemble pas à la masse des concurrents. Du punk-rock à la Fistinière, tout est permis mais attention, pas n’importe comment !
Chaque couverture est dessinée, allant à l’encontre de ce que l’on voit d’habitude. Le tirage est modeste (et reste confidentiel, donc pas de chiffres). Le magazine se trouve en kiosque pour la modique somme de cinq euros cinquante. Ce bimensuel en est à son numéro sept.
C’est alors que soudain tombe la question sur la BD numérique. Comment se passe l’orientation vers le numérique ? Quels acteurs ? Quels potentiels en France ?
Là, beaucoup d’hésitation et l’honnêteté pour tous de reconnaître simplement qu’ils ne connaissent pas ce secteur en plein développement.
Alors que je m’attends à voir surgir l’équipe d’Esprit BD pour apporter la lumière sur toutes les possibilités de la BD Numérique, un homme se (re)dresse sur son fauteuil devant l’assemblée. Barbe au vent, casquette bien enfoncée, lunettes ajustées, Fabrice parle alors du projet Nemo, un magazine en création qui sera disponible sur tablette. Auteur papier, Fabrice est passé au numérique dont il veut essayer les possibilités. Une histoire complète, la panne d’essence est disponible sur iTunes (j’aime pas iTunes, un avis personnel et injustifié qui n’engage que moi mais il fallait quand même que je l’écrive haut et fort). Ce récit donne une idée de la vision de la BD numérique de Némo.
Fabrice explique les avantages et contraintes qu’il a trouvées dans la BD numérique, et surtout la difficulté de proposer un produit qui laisse un choix de lecture facile d’emploi et qui soit clair pour l’utilisateur.

Vient ensuite le tour des questions du public. L’une d’entre elles porte forcément sur le seuil de rentabilité. Léa et Julien expliquent que le fameux seuil serait situé à quatre mille exemplaires vendus pour le magazine mais pour la structure d’édition, il faut évidemment vendre plus d’exemplaires.
Rurik, toujours tenu au silence par la clause de confidentialité, nous apporte néanmoins un éclairage surprenant concernant la presse papier, il nous rappelle la violente crise que traverse ce média. Aujourd’hui, même chez les plus grands, le bénévolat fait rage et s’il fallait payer les rédacteurs et chroniqueurs, Metaluna mettrait la clé sous la porte. Mais cela reste vrai même pour les plus grands titres.
Mais heureusement, l’énergie et le dynamisme de nos trois intervenants l’emportent sur la morosité de la crise, et je retiendrai surtout la passion et la bonne humeur qui transpiraient sur scène.

Dédicaces permanentes au stand Aaarg. Au fond, Rurik de Métaluna disponible pour échanger avec les festivaliers

A peine sorti de la salle, j’attrape Sylvain qui accepte de prendre quelques instants pour présenter Collectif Prod, les porteurs du festival. Cette association, soutenue par le ministère de la jeunesse et des sports, existe depuis huit ans et suit plusieurs axes. Tout d’abord, la professionnalisation des personnes travaillant dans l’audiovisuel, ensuite les rencontres interprofessionnelles autour de projection de court métrage une fois par mois au Café de Paris, de conférences où des pros partagent leur expériences, de rencontres entre scénaristes, producteurs, compositeurs… le tout dans une optique d’entraide et d’information, et finalement la création d’interactions entre associations. L’idée générale est simple : décloisonner ! Et le collectif veut se développer plus encore, en s’orientant vers la formation et en créant encore plus de rapprochement et de mutualisation, de liens entre professionnels, amateurs et étudiants.
En résumé, collectif prod répond de pleins de manières différentes à la question: « Qu’est-ce qu’on pourrait faire ensemble ? » Puis, Sylvain se sauve pour préparer la prochaine conférence.

Et j’enchaîne en me jetant à la découverte de l’expo Aaarg! Des portraits de ces « LosIncognitos » qui hantent les rues d’Hollywood et nos salles de cinéma dessinés avec humour par Tomahawk, entre autres dessins.

Une partie de l’expo des auteurs talentueux du magazine Aaarg!

Le temps de discuter à droite et à gauche (surtout à gauche), c’est déjà l’heure de la rencontre de la journée : la projection du documentaire « Transperceneige, de la feuille blanche à l’écran noir », suivie d’une rencontre avec Jean-Marc Rochette et Jésus Castro-Ortega, réalisateur du documentaire.
Un film qui retrace l’histoire du Transperceneige, en partant du scénario du regretté Jacques Lob, de sa rencontre avec Rochette, leur collaboration, la publication, la mystérieuse apparition de la BD en Corée, l’achat des droits par Bong Joon Ho et la production du film, son tournage et sa sortie Coréenne puis Française et internationale.
Mais au-delà de l’événement filmique que fut Snowpiercer, Jésus Castro-Ortega a su filmer aussi le témoignage d’un homme, le seul maillon présent du début à la fin de l’histoire du Transperceneige, Jean-Marc Rochette. L’artiste, présent en chair et en os avec nous, apporte un regard émouvant, direct, drôle sur cette histoire, dans la continuité du documentaire.
Il partage avec nous un franc-parler qui change agréablement de la langue de bois formatée que l’on peut parfois entendre dans ce type d’échange. 

Jean-Marc Rochette et Jésus Castro-Ortéga, deux amis venus parler d’un long périple !
Et, au final, ce qui ressort à mes yeux de ce long entretien, c’est une formidable histoire d’amitié entre Jean-Marc Rochette, Jésus Castro-Ortega et Bong Joon-Ho. Une histoire commencée il y a sept ans, quand un jeune homme aborde timidement le réalisateur Coréen lors de son passage à Paris, pour lui demander si cette rumeur sur l’achat des droits du Transperceneige était fondée.
Aujourd’hui, Le jeune homme a fini son documentaire, monté sa structure de Production appelée Grab The Cat, et il démarche les différents éditeurs de DVD pour leur vendre son film comme bonus DVD, avec succès.
Surtout, Jésus Castro-Ortega va voir son documentaire projeté en Corée devant… Bong Joon-Ho.Une belle histoire !

Après ce beau moment de partage, j’ai le plaisir de rencontrer à nouveau Julien, le directeur artistique du festival, qui se prête au jeu des questions et réponses. Il m’explique que le festival en est à sa seconde édition et vise clairement à faire se rencontrer des gens qui ne se croiseraient peut-être pas autrement.
Par rapport à l’année dernière, cette édition comporte plus de films, plus de documentaires, plus d’animations (dédicaces, combat de dessins, atelier mangas…) et un ordonnancement différent des événements. Le vendredi était consacré à la compétition, le samedi était plus orienté famille et le dimanche cible plus les indé et les pros.
Du coup, ici, ce dimanche, des personnes naviguant dans le monde de la BD rencontrent ceux du cinéma et inversement.
Julien ne veut pas se limiter à une passerelle BD et Ciné. Il pense aussi aux arts graphiques en général et il aimerait beaucoup que la prochaine édition s’ouvre complétement aux arts ludiques, mêlant ainsi BD, dessin, cinéma et jeu vidéo. Il a compris que c’est le même public qui évolue dans toutes ces sphères. Et il a aussi compris que de plus en plus d’artistes ajoutent de nouvelles cordes à leurs arcs.
Cette volonté d’ouvrir les portes et d’abattre les murs est aussi valable pour la composition du jury, regroupant des auteures de BD, des journalistes, des réalisateurs que pour la sélection.
C’est un long travail de recherche et de visionnage de courts-métrages issus du monde entier car Julien ne veut pas se contenter de rediffuser ceux que l’on a déjà vu maintes fois partout ailleurs. L’idée est de proposer du différent, de l’original, sans devenir élitiste afin de rester proche du public, et ce autant dans le choix des courts que des documentaires.
En effet, pour Julien, un festival se doit de rester un lieu d’échange et de communication, des professionnels de différents secteurs entre eux, certes mais aussi de ces mêmes artistes avec leur public. Mettre en contact des gens qui, bien que de secteurs séparés, se retrouvent sur la même longueur d’ondes, découvrant qu’ils partagent les mêmes passions.
Quand on voit les groupes se former et les gens parler entre eux, Je me dis que l’objectif est en passe d’être atteint.

Julien se sauve, car la remise des prix va bientôt démarrer. J’en profite pour me glisser à nouveau dans la salle de projection afin de ne pas la manquer.

Le Jury, presqu’au complet, aux côtés de Julien, micro et fiches en main !
Après la présentation des nombreux partenaires officiels, du jury, vient le moment de suspense du palmarès !
– Le grand prix est revenu à Coléra de Aritz Moreno, adaptation d’un BD de Richard Corben.
– La mention spéciale du Jury est décernée à la Bête de Vladimir Mavounia-Kouka.
– Le Prix du Public revient à From Hereto Immortality de Louise Hüsler.
– Le prix du Public Hors Compétition est remis à deux ex-aequo : L’héritage de Michael Terraz et Le pique-nique de Jessica Garcia et Geoffroy Monde (bon sang, mais où voir un simple trailer de ce film !)
La remise des prix s’enchaîne avec la projection des films gagnants.
Et s’ensuit pour notre plus grand plaisir, une projection surprise : La vie sans Truc de Léo Marchand et Anne-Laure Daffis, un film d’animation comique mélangeant dessin animé 2D, décors 3D, images retouchées ou repeintes, films d’archives, le tout conférant une jolie patte visuelle à l’histoire.
Ce cocktail pétillant d’humour et de tendresse raconte, avec parfois quelques longueurs – mais nul n’est parfait -, la triste et drôle vie du magicien Popoulos, de son assistante tant aimée et… de son lapin Jean-André tous trois perdus une société sans pitié !

Après cette remise de prix, il restait encore un événement, et de taille, pour clore en beauté ce week-end : l’intervention du collectif Ferraille qui, le temps de quelques films courts, nous offre une belle flopée d’humour noir, grinçant, cynique et tordant ! Attention, âmes sensibles s’abstenir, et surtout, je vous déconseille de manger en regardant certains de leurs films !

Avec le collectif Ferraille, ça rigole pas. Quoique, si, beaucoup en fait ! 
A côté des quatre membres de Ferraille, Sylvain, affiches en main et Julien, micro au poing, tentent coûte que coûte de faire avancer la cérémonie !

C’est donc tard dans la nuit que s’achève cette seconde édition du Festival BD6Né, dans la joie et la bonne humeur.
Alors que l’équipe organisatrice achève de remettre en ordre les lieux, je quitte le studio, ayant une pensée pour ceux qui, après des mois de travail, ont vu se conclure cette magnifique aventure.

Une équipe pleine d’entrain qui, après un repos bien mérité, va sans doute rapidement plancher sur la prochaine édition !

J’espère vous avoir donné envie de venir en 2015 pour découvrir toutes les nouvelles surprises dont débordera sans aucun doute la troisième édition du festival BD6Né…
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David
Davidhttp://www.davidneau.fr
Scénariste pour le jeu vidéo, le podcast et le cinéma, auteur-réalisateur de court-métrages animés, auteur dessinateur la BD numérique "Zéda, l'Odyssée du quotidien", enseignant à l'ICAN en BD numérique, et chroniqueur BD bien spûr. Sans oublier passionné de musique et de... BD ! Tout est dit.

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